Cette semaine est placée sous le signe de l’amour avec deux albums de musiques anciennes : amours campagnardes avec un splendide disque consacré aux chansons rustiques de la Renaissance, amours nobles de l’époque baroque avec un disque qui nous conte les amours contrariées d’un héros antique.

Ces deux albums nous rappellent aussi, si besoin en était, la richesse du répertoire des musiques anciennes, c’est-à-dire composées avant la période classique qui s’ouvre à la mort de Bach en 1750, et l’excellence des ensembles français dans ce répertoire.

Rareté – L’amour de moy – Denis raisin Dadre, Doulce mémoire

Avec L’amour de Moy, Denis Raisin Dadre et l’ensemble Doulce Mémoire nous offrent un superbe disque consacré aux « chansons rustiques » de la Renaissance. C’est « un répertoire singulier qui se fonde sur des mélodies populaires traitant de sujets du quotidien, amoureux, érotiques ou satiriques dans une versification irrégulière« , comme l’explique Denis Raisin Dadre dans le livret de l’enregistrement. Le projet de l’album « s’inscrit dans la continuité des recherches de Doulce Mémoire sur les rapports entre musique populaire et musique savante, déjà illustrées par l’enregistrement Tant vous aime ».

Les mélodies et pièces instrumentales qui composent cet album viennnent « des premiers recueils de musique imprimée », notamment trois recueils d’Ottaviano Petrucci, et de « deux manuscrits de chansons monodiques ». Nous pouvons y entendre comment, sous le règne du roi Louis XII (1498-1515), « les compositeurs s’emparent alors de mélodies populaires pour composer et inventer des chansons tout à la fois savantes et raffinées. Ils s’inspirent aussi de ces chansons pour des musiques instrumentales virtuoses comme celles qui sont éditées à Venise par Ottaviano Petrucci. »

Ce joli bouquet musical de chansons rustiques nous est offert dans un magnifique écrin musical par l’ensemble Doulce Mémoire, qui interprète ces mélodies avec beaucoup de sensibilité, de raffinement et de simplicité. Tout respire et chante de façon naturelle et grâcieuse. Un moment de joie et de légèreté qui nous permet d’échapper à la pesanteur du quotidien !

Coup de cœur – Lully – Thésée – Christophe Rousset et les Talens Lyriques

Avec Thésée, Christophe Rousset et son ensemble Les Talens Lyriques, qui ont fêté leur 30 ans l’année dernière, poursuivent leurs enregistrements des « tragédies en musique » de Jean-Baptiste Lully (1632-1687). Troisième opéra de Lully, Thésée (1675) est une tragédie lyrique en un prologue et cinq actes sur un livret de Philippe Quinault. C’est avec cet opéra que Lully et Quinault fixent la forme de l’opéra français de leur temps avec une ouverture « à la française », un prologue allégorique à la gloire du roi Louis XIV et cinq actes sur un sujet héroïque. Ici, le sujet héroïque sont les amours du jeune héros grec Thésée avec la princesse athénienne Églée, qui triomphent des obstacles dressés sur leur chemin par la jalousie de l’enchanteresse Médée.

Thésée est une œuvre de propagande commandée par le Roi Soleil « afin d’éblouir ses courtisans et les ambassadeurs des pays d’Europe », comme l’explique Pascal Denécheau dans le passionnant livret du disque. C’est néanmoins une œuvre qui ne cesse d’impressionner et d’émerveiller par ses qualités esthétiques. On est frappés tant par la beauté de l’écriture du livret de Quinault, qui « introduit une grande variété d’actions », que par les trésors déployés par l’écriture musicale de Lully qui s’exprime « dans des genres musicaux très divers » avec des « passages épiques saisissants et extrêmement structurés » que des « épisodes plus intimes pendant lesquels monologues, airs et petits ensembles vocaux permettent d’explorer les sentiments des personnages et d’atteindre une forte intensité émotionnelle ».

Sous la direction de Christophe Rousset, Les Talens Lyriques, le Chœur de Chambre de Namur (dirigé par Thibaut Lenaerts) et une merveilleuse distribution vocale menée par le ténor Mathias Vidal dans le rôle de Thésée et Karyne Deshayes dans celui de Médée nous entraînent dans cet univers héroïque et enchanteur. Leur interprétation est empreinte d’une grande noblesse, de la rigueur et de la précision requises par l’écriture de Lully, et d’un profond sentiment tragique et héroïque. Comme dans les précédents enregistrements des tragédies lyriques de Lully par Christophe Rousset et les Talens Lyriques, la musique de Lully brille ici de mille feux, émeut et respire, dans un écrin aux couleurs chatoyantes et lumineuses.

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